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LA VIE CHEZ-NOUS


Au cœur de nos fragilités : une espérance tenace

Le 15 janvier dernier, sœur Yolande Blier nous livrait un message plein d’espérance en ces temps de grande fragilité que connaît notre monde et notre congrégation. Voici ce qu’elle adressait à la communauté lors de notre retraite de janvier 2022.


Chères sœurs,

Le thème de la retraite n’a pas été choisi hier bien sûr. Pourtant, il faut reconnaître qu’il tombe juste à point et qu’on ne pouvait  trouver mieux pour ce janvier 2022:

AU CŒUR DE NOS FRAGILITÉS: UNE ESPÉRANCE TENACE

Nos fragilités nous pouvons les toucher du doigt, surtout avec ce que nous avons à vivre maintenant. Nous le voyons bien: notre monde est malade et fragile. La COVID est là et elle meurtrit tous les continents. Notre « maison commune » a la fièvre sous les menaces des réchauffements climatiques. Notre Église est pleine de cicatrices: pensons aux pensionnats autochtones et aux abus sexuels par des membres du clergé et des communautés religieuses. Les familles sont déchirées, éclatées, recomposées. Les jeunes en ont ras-le-bol et versent dans le sexe, la drogue et l’alcool, etc.

Venons-en à nos propres fragilités. Je ne vais pas insister car c’est à chacune pendant cette retraite de mettre le doigt sur ce qui lui fait mal en dedans. Nous avons toutes nos fêlures, des choses qui nous fragilisent, nous rendent peu lumineuses, peu amoureuses et si peu heureuses par moments. En plus de nos fragilités physiques, nous avons toutes nos impatiences – nos exigences – nos manies de critiquer – de voir « la paille bien plus que la poutre ». Il est vrai le proverbe qui dit: la roche est très dure, l’arbre est solide, l’animal est féroce, l’être humain est fragile et vulnérable.

Faut-il dramatiser et désespérer pour autant? Bien sûr que non! Si, à Pâques on peut chanter « Heureuse faute qui nous a valu un tel Rédempteur« , nous pouvons dire aussi: heureuses fragilités qui nous ouvrent les portes de la conversion. Accepter nos fragilités et celles des autres, c’est une grâce. C’est une occasion qui permet de faire davantage attention à nos comportements. Ça donne ainsi de vivre plus pleinement notre humanité. Il ne faut jamais désespérer. Où il y a de l’espoir, il y a la vie. Nous avons des fragilités, mais nous sommes en vie, nous sommes en marche. Espérons!

Notre thème de retraite parle d’espérance. Je veux d’abord souligner qu’il y a une différence entre l’espoir et l’espérance. Le jeune qui a beaucoup étudié espère gagner son diplôme. La femme enceinte espère avoir un bébé en bonne santé. On espère une belle journée ensoleillée pour notre pique-nique de fin d’année, etc. Espérer, c’est humain. Notre quotidien est rempli d’espoirs; c’est normal, légitime et cela est réconfortant… pour un certain temps. L’espoir est éphémère.

L’espérance (vertu théologale) c’est tout autre chose! Je ne vais pas vous faire de grandes envolées théologiques mais souligner quelques points importants.

L’espérance n’est pas quelque chose mais Quelqu’un. Elle n’est pas fondée sur du passager, de l’éphémère mais en Dieu qui, en Jésus s’est donné et se donne tout l’temps. C’est lui, le Christ notre espérance et Il ne déçoit jamais. Cette espérance nous donne la force pour surmonter les pires tempêtes. Elle permet de demeurer dans la sérénité, la confiance. Elle est source de réconfort et de joie. Elle nous renouvelle chaque jour et transforme notre regard sur les autres et le monde.

Dans un de ses discours, le pape François la compare à un casque: « Mais nous qui sommes du jour, soyons sobres, revêtus de la cuirasse de la foi et de l’amour, avec le casque de l’espérance du salut. » (1 Th. 5,8). Il cite aussi ce beau passage dans Rm 5,5 « Nous mettons notre orgueil dans nos détresses (fragilités), sachant que… la fidélité éprouvée produit l’espérance et l’espérance ne trompe pas. »

Une autre image de l’espérance est celle de l’ancre. Comme un bateau que l’ancre fermement attaché au fond de la mer empêche de dériver aux aléas du courant, des marées, des tempêtes, ainsi notre espérance est fermement ancrée en Dieu et en sa grâce. Il ne nous abandonne pas dans les tempêtes de nos vies.

Dans l’encyclique « Spe salvi » (sauvés dans l’espérance), le pape Benoît XVl propose trois moyens pour nourrir notre espérance. Je les mentionne car si nous voulons une espérance têtue, tenace, il nous faut bien la nourrir. Il cite d’abord la prière. Rien de surprenant. En second, l’action. « Tout agir sérieux et droit est espérance en acte » dit-il. Il ajoute: « elle n’est pas opium du peuple qui le détournerait d’édifier la cité terrestre ». Le troisième moyen, c’est la souffrance: cultiver la conviction que le Seigneur ne nous abandonne pas dans nos fragilités. Il nous rejoint là où nous sommes, telles que nous sommes. On peut être à bout, vidé de tout espoir; on peut être triste et penser qu’il n’y a plus rien d’intéressant dans la vie, mais… Il y a l’espérance!

Relisons Luc 24, 18-35. L’espérance des disciples d’Emmaüs était morte. Jésus vient, il pose les bonnes questions, il écoute, il se manifeste. L’espérance renaît!

Le pape François a répété et répété: ne vous laissez pas voler l’espérance!

Je vous avoue que je cherche encore ce qu’il a voulu dire par là.

Mon interprétation à moi c’est que l’espérance est faite pour être partagée. Si je la garde pour moi seule elle va s’éteindre. On dirait que l’espérance m’envoie en mission. « Soyez toujours prêts à rendre compte de votre espérance devant ceux qui vous en demandent compte. » (1 P 3, 15). C’est par ma façon d’agir au quotidien que je montre l’espérance qui m’habite. Je dois « l’avoir dans la peau », la transmettre. Alors je pourrai donner raison aux paroles de ce chant que vous connaissez:

Il restera de toi ce que tu as donné
Au lieu de le garder dans des coffres rouillés. (Mannick)

Notre monde est malade. Les nouvelles ne cessent d’évoquer des drames, des situations d’inhumanité et d’injustice. En tant que sœurs NDPS, porteuses d’un charisme de présence amoureuse et compatissante, nous sommes éveillées à ces situations et nous nous faisons solidaires autant que faire se peut. Des problèmes dit le pape François, il y en aura toujours autour de nous.

Nous avons nous aussi nos temps de fièvre, de lassitude, nos périodes de turbulences. En avion quand nous traversons des zones dangereuses, l’hôtesse nous dit: « attachez vos ceintures! ». Nous qui croyons, attachons-nous au Christ. Il est ressuscité, vivant, agissant à nos côtés. Ne soyons pas abattues comme ceux qui n’ont pas d’espérance. (1 Th. 4, 13)

« Espérant contre toute espérance, nous prenons nous aussi le risque de croire » (bis)

Yolande Blier, ndps