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LA VIE CHEZ-NOUS


Notre vie fraternelle… en sortie

En février, sœur Gaétane Guillemette réfléchissait avec nous sur l’expérience de sortie que nous avons à vivre au quotidien et particulièrement à l’arrivée de notre départ de Saint-Damien.

Quels que soient les temps, les lieux, les événements, l’âge, notre vie communautaire continue de faire signe : signe de la présence amoureuse et compatissante de Dieu dans nos vies et dans le monde.

Priez avec nous pour que nous puissions annoncer la venue de l’aube, même en pleine nuit du dépouillement.

Voici le texte de son entretien.

L’appel du pape François, d’une Église en sortie, vient nous interpeller dans notre vie fraternelle. Les événements bouleversent nos habitudes de vie. Ils nous forcent à sortir d’un terrain communautaire connu et nous invitent à réfléchir sur ce que signifie pour nous une communauté en sortie et ce qui est l’essentiel de notre vie communautaire.

Le pape nous demande d’être des témoins d’espérance avec le Christ ressuscité par notre vie fraternelle. Des témoins qui « annoncent la venue de l’aube, même en pleine nuit » du dépouillement de ce qui nous semblait un acquis de vie ensemble. Il nous redit que la vie fraternelle est la première forme d’évangélisation (24 juin 2017) et que nous avons à bâtir une communauté évangélique à partir de ce que nous sommes et de la situation qui est la nôtre.

Pour nous, à la suite de nos fondateurs, particulièrement de Virginie, la vie communautaire prend un visage d’évangélisation qui nous est propre : celui de la présence amoureuse et compatissante de Dieu entre nous et avec ceux et celles que le Seigneur continue de mettre sur notre route. Ce visage est celui « de l’amour qui brise les chaînes qui nous isolent et nous séparent; [de l’amour] qui jette des ponts [et] permet de construire une grande famille où nous pouvons tous et toutes nous sentir chez nous [quel que soit le lieu de résidence]; un amour qui a saveur de compassion et de dignité. » (Fratelli Tuti 56)

Ce visage d’évangélisation nous ramène au don de notre charisme qui dit notre manière d’être en relation avec Dieu, avec nous-mêmes et avec autrui. Il prend forme dans l’exemple de vie de mère fondatrice et enfonce ses racines dans le Restons petites, effaçons-nous. C’est là que Virginie nous a montré jusqu’où va l’amour, dans l’union intime avec Jésus, le don de soi, la présence, l’amitié et la charité mutuelle entre sœurs, l’humilité, le service fraternel et la joie de vivre.

Bien sûr, ce visage exprimé dans Restons petites, effaçons-nous demande conversion et dépassement d’une mentalité réductrice qui s’est infiltrée dans la communauté depuis les origines. Aussi, avons-nous à retrouver la profondeur évangélique de l’enseignement de Virginie. Accordé à notre spiritualité, Restons petites, effaçons-nous prend tout son sens en Jésus qui, de condition divine, s’est fait pauvre et obéissant pour nous montrer l’amour du Père et donner sa vie par amour pour nous. (Ph 2, 6-8)

Restons petites, effaçons-nous nous invite au quotidien, à travers les difficultés relationnelles et autres, à remplir notre cœur d’amour et de compassion ; à développer cette attitude d’être qui nous garde dans l’humilité, la disponibilité et l’accueil inconditionnel de l’autre. Cette façon de vivre, personnellement et communautairement, nous mène graduellement à devenir de plus en plus présence amoureuse et compatissante de Dieu l’une envers l’autre. Elle nous rend capables de confiance mutuelle et de remise de soi entre les bras de la Providence. Elle transparaît au regard du prochain et c’est notre premier lieu d’évangélisation communautaire.

« Restons petites, effaçons-nous » suppose que nous apprenions à parler autrement et à creuser dans notre cœur ce que nous portons quand nous disons à l’autre…. Restons petites, effaçons-nous. Aussi, pourquoi ne pas partager entre nous, en communauté, ce que signifie pour moi cette expression « Restons petites, effaçons-nous », ce qu’elle provoque de réactions intérieures… ce que j’y découvre de profondeur évangélique et comment elle m’interpelle aujourd’hui ?

Mère Virginie nous accompagne !

Sur ce chemin d’une vie communautaire qui demandera des adaptations et une conversion de nos anciennes manières de penser et de faire, elle nous redit l’essentiel de notre être ensemble.

« Mes filles, restons petites, effaçons-nous ! Que les événements, le vieillissement qui est le vôtre, votre vulnérabilité personnelle et communautaire soient l’occasion de rendre grâce pour ce que la Providence vous a accordé. Cherchez ensemble la volonté de Dieu sur vous, sur la communauté et son avenir. Demeurez dans la joie. Restez en présence de Dieu Amour, dans la foi et la confiance dans sa Providence qui vous porte dans ses bras, comme une bonne mère.

Prenez toutes les occasions de vous faire du bien mutuellement : regard positif et sans jugement, écoute de votre sœur pour tout le temps qu’elle a besoin, parole bienveillante, patience envers vous-mêmes et envers votre compagne, pardon mutuel, attention délicate et gratuite, reconnaissance des bons coups et des talents de chacune… Que de petits gestes gratuits qui sont un véritable chemin d’apprentissage de l’amour, de la joie et de l’amitié avec Dieu et vos sœurs ! Et, croyez-moi, je l’ai vécu ! Ce chemin en est un de conversion du cœur et de don de soi; chemin du mystère pascal avec Jésus qui a donné sa vie pour nous.

C’est là que vous ferez l’expérience de l’amour de Dieu par l’amour que vous aurez les unes pour les autres et envers vous-mêmes. Il vous sera alors donné de faire ce que Jésus a fait : enflammer les cœurs de l’amour divin, de ce feu capable d’embraser toute la terre. Car l’amour n’a pas de frontières. Alitées ou en service, votre amour sera lumière pour vos sœurs et pour le monde.

Vous renouvellerez la communauté à travers vos fragilités, votre petitesse, votre service et le don de votre personne dans l’humble quotidien, parfois si pénible. Et, comme dans la parole de Marc 6,34-44 et 8, 1-10, vous serez disciples de Jésus, non par votre propre volonté et par vos propres forces, mais au contraire par l’acceptation de votre être pauvre, obéissant et au service de la Parole de Jésus, même sans trop savoir où aboutiront vos gestes de bonté et de miséricorde.

Ainsi, serez-vous en mesure de comprendre jusqu’où va la compassion… qui ne renvoie pas les gens à leur sort, mais les accueillent avec une compassion véritable, leur offrant le peu que vous avez dans la foi que Dieu multipliera ce peu et que s’opérera le miracle de l’amour fraternel.

Mes sœurs, rester petites au milieu de vos sœurs, c’est construire la vie fraternelle. Toutefois, cela suppose que vous sortiez de vous-mêmes, que vous vous laissiez aimer de l’Amour pour que grandisse en vous un cœur de pauvre, humble et joyeux, confiant et abandonné. N’oubliez pas, la parole du pape François : « Dieu est amoureux de votre petitesse » comme il a été amoureux de ma grande pauvreté. Sachez qu’accueillir Dieu amoureux de votre personne est l’expérience de toute une vie ! C’est dans le silence et la pauvreté de votre être que vous apprenez à vous abandonner à l’Amour dont il vous aime et que vous parvenez à vous laisser aimer et conduire par lui.

Rester petites, c’est loin de s’apitoyer sur son sort ou de se dévaloriser. Bien au contraire une telle manière d’être demande force d’âme et maturité. C’est un apprentissage que vous avez à vivre ensemble, dans l’accueil de vos limites et de vos fragilités, le respect de vos différences et de vos talents, l’écoute et la capacité de vous laisser déranger, d’aller vers l’autre et de communier à son vécu.

Rester petites, c’est apprendre à marcher dans l’amitié, la tendresse et la joie de Dieu, comme je l’ai fait moi-même. La vie fraternelle a besoin d’amitié. C’est elle qui vous garde en marche dans la vie communautaire. Cette amitié, pleine de tendresse dont Jésus nous donne l’exemple, vous rendra capable d’éprouver la souffrance de l’autre et d’agir avec compassion. Oui, mes sœurs, demeurez dans l’Amour du Bien-aimé. Aimez-vous les unes les autres comme je vous ai aimées et que Jésus nous a aimées. Ainsi, par votre vie communautaire, vous serez prophètes de communion dans la sortie de vous-mêmes dans la tendresse et la joie du Christ.

Gaétane Guillemette, ndps.