MISSION HUMANITAIRE
Mon expérience au foyer Perpetuo Soccoro, Sucre, en Bolivie reste gravée dans mon cœur…
De retour depuis quelques mois déjà, la tête et le cœur pleins d’une expérience hors du commun, j’aimerais témoigner de la résilience et du courage de ces jeunes filles portant l’empreinte de l’abandon.
Avant de plonger dans le vif du sujet, un mot pour dire que j’ai passé de longs pans de ma vie auprès des enfants, à former des éducatrices et à accompagner des familles dans leur mission éducative. Depuis toute petite, je suis attirée par l’étranger, vivre autrement, remettre en question mes valeurs et mes croyances. Je saisis une première occasion en janvier 2013. Je pars au Sénégal vivre une expérience éducative auprès d’un groupe d’enfants de 5-6 ans. Profondément touchée par l’accueil et la richesse des échanges avec les Sénégalais, j’y retourne l’année suivante avec un groupe d’étudiantes dont le séjour auprès des familles et des enfants les marque. J’ai la piqure !
Sachant que la communauté de Saint-Damien accueille des laïques dans leurs missions, je décide de faire la formation. Lors de la deuxième fin de semaine, je me sens interpellée par la mission en Bolivie. Juste en voyant des photos des jeunes filles, je me vois auprès d’elles.
Je décide de prendre ma retraite et de m’engager pour une longue durée. Je passerai 7 mois au sein du foyer à accompagner les filles dans leur quotidien marqué par les tâches, les devoirs, les activités et les belles soirées de cinéma. J’ai revu mes classiques de princesses !
Aux termes d’un voyage rempli d’imprévus, sœur Camille et moi arrivons au foyer. J’y fus accueillie chaleureusement par la communauté et les filles. Je suis la nouvelle « tia ». Shara m’accompagne dans une visite guidée des lieux. La cour est magnifique avec ses fleurs, ses arbres fruitiers, le potager et la serre. Grâce aux enseignements des sœurs Camille et Anita, les grandes savent prendre soin de ce bel environnement. J’apprends le nom des filles. Elles rigolent franchement lorsque je transforme leur nom. Et c’est parti.
Je m’intègre tout doucement dans la vie des filles et je prendrai progressivement des responsabilités. J’aime ces moments passés en leur compagnie. J’apprends à les connaître. Je découvre leurs intérêts: la nature, la musique, les jeux de société, les casse-tête, la danse, les jeux de rôle… Je me souviens de mon premier contact avec Nilsa, m’expliquant le processus de germination avec moult détails. Les soirées de tonnerre où nous faisions des casse-tête, jouions au skibob en priant que la lumière demeure. Moment de douceur lorsque je leur souhaite bonne nuit à chacune. Je me souviendrai toujours de leur « bonne nuit tante Ruth, à demain, je t’aime beaucoup. »
Je les accompagne du mieux que je peux dans leurs devoirs. J’ai initié des plus jeunes à l’ordinateur. Quel plaisir pour elles de pouvoir l’utiliser pour jouer, écouter de la musique.
Bienvenue les vacances annuelles ! Grande transition au foyer: 12 filles quitteront le foyer pour réintégrer leur famille proche ou élargie. Grand vide pour celles qui restent. Nous profitons de ce temps pour organiser des activités. Je suis impressionnée par leur concentration et leur plaisir à faire des travaux manuels. Elles pouvaient passer des heures à faire leur portrait, leur maison de poupées, des décorations de Noël, décorer des biscuits; chacune à leur manière. Les jeux de rôle avec leurs poupées petites et grandes leur offre un bel espace pour exprimer leur vécu et s’inventer des histoires. Des jeux de courses pour canaliser leur énergie débordante. De belles sorties dans la ville de Sucre remplie de possibilités, les parcs, les promenades, la grande place… J’ai pris plaisir à accompagner les filles à l’école lors des événements spéciaux notamment les spectacles de fin d’année. J’avais ainsi l’occasion de côtoyer les familles boliviennes du quartier. Enfin, j’ai pris plaisir à enseigner le français à Lourdes et Elsa, jeunes sœurs péruviennes du foyer.
De tout ce temps passé au foyer, je retiens le courage de ces filles marquées par l’abandon et de multiples blessures. Elles continuent d’apprendre, de rire, de rêver, de jouer et, par-dessus tout de s’ouvrir à l’amour et oser. Ce n’est pas rien. Je les aime chacune profondément; j’ai tant reçu de ses cœurs d’enfants et de jeunes filles.
Je retiens le grand dévouement de Camille, Anita, Lourdes et Elsa pour leur procurer TOUT ce dont elles ont besoin dans leur quotidien, pour leur éducation et leurs loisirs. Elles soulignent leurs anniversaires, les fêtes spéciales notamment le jour du quinzième anniversaire de la jeune fille, moment de passage important. Je les revois travailler au jardin avec elles prenant le temps de les initier aux soins des plantes, fleurs et légumes. J’y voyais la continuité de l’œuvre des fondateurs de la communauté.
Je termine en remerciant chaleureusement Camille et Anita de leurs nombreuses attentions pour rendre mon séjour des plus agréables et non la moindre, celle de recevoir ma fille. Elles sont hors pair pour offrir aux volontaires tout ce dont elles ont besoin et ce qu’elles apprécient. Merci de leur grande générosité à m’accueillir au sein de leur communauté. Je souligne également l’accueil des sœurs de Santa Rita à mon égard lors de nos nombreuses rencontres. L’accueil et l’ouverture à nous intégrer, une marque, une valeur que j’ai pu retrouver dans toutes les maisons de la communauté à l’intérieur desquelles j’ai séjourné.
Je n’ai que gratitude pour cette expérience de vie qui restera gravée dans mon petit cœur.
Ruth Rochette
2016