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RACONTEZ-NOUS

C’est en janvier 1941 que je fis mon entrée à l’orphelinat. Ma mère était veuve depuis 1938 avec à sa charge 5 enfants. C’est à la demande du curé de la paroisse de Saint-Fidèle à Québec que la supérieure générale autorisa mon arrivée. Que de bons souvenirs remontent à ma mémoire en pensant à ces années. Voici quelques anecdotes de ce vécu de mon enfance avec les religieuses de Saint-Damien.

La première semaine à l’orphelinat, nous avions droit à l’inspection de notre chevelure pour trouver de petites bestioles. Et si par malheur on en trouvait, c’était le crâne rasé assuré ! Bien souvent, après le travail terminé, les grandes oreilles devenaient plus visibles !

Lors de mon séjour à l’orphelinat, je peux dire que j’ai eu 3 mamans : sœur Saint-Charles-Garnier, sœur St-Joseph-des-Vertus et sœur Ste-Louise-du-Sacré-Cœur. Étant trop jeune pour aller à l’école, je suivais sœur Saint-Charles Garnier qui gardait toujours des carottes dans ses grandes poches ! J’imagine que c’est pour cette raison que j’aime les carottes et que j’ai une bonne vue !

St-Charles-Garnier_BAS DE PAGE           élizabeth hudon_BAS DE PAGE      louise-du-sacré-coeur_BAS DE PAGE

Ste-Louise-du-Sacré-Cœur était notre coiffeuse. Pour les grandes sorties, on nous peignait avec un fixatif fait à base de graines de lin. Le vent n’avait aucune prise sur notre crinière et nous étions « indécoiffables » ! Pour les grandes occasions officielles, nous portions une grosse boucle blanche avec un brassard. André Garon-7ans-1943_BAS DE PAGE

Au réfectoire nous étions divisés en deux groupes selon l’âge. Après le repas, c’était la corvée de la vaisselle et à tour de rôle nous recevions le plat d’eau et la lavette. Le premier était chanceux puisque l’eau était encore propre mais pas pour le dernier ! Souvent on avait l’autorisation de parler à table mais pas pendant le carême : silence complet sauf pour la prière.

Voici une journée typique à l’orphelinat en semaine : Après une bonne nuit de sommeil, nous assistions à une basse messe à la chapelle à 6h30. À 7h00 petit déjeuner puis 7h30, la récréation. À 8h00 début des classes. Révision des leçons, correction des devoirs par d’autres élèves et si on était très bon copain avec lui, on avait la chance d’avoir moins de fautes ! Après les classes, c’était la collation composée de pommes, biscuits et gâteaux. Ma collation favorite était sans contredit les tartines à la mélasse ! Pour une fois, la patience était de mise. Pour avoir les meilleures, les plus imbibées de mélasse, il fallait être le dernier de la file d’attente ! J’ai les doigts collés rien qu’à y penser !

Le dimanche avant le déjeuner nous allions à la communion à la chapelle. Ensuite, après s’être restauré, nous assistions à la grande messe à la Maison mère. Durant le sermon du prêtre, il fallait se surveiller pour ne pas dormir ! Sinon, coup de coudre assuré de son voisin ! En après-midi, vers 14h00, c’était la sieste pour nous reposer… À moins que ce ne soient les religieuses qui voulaient se reposer de nous !

Les samedis et les dimanches pluvieux, l’aumônier nous racontait une histoire à dormir debout ! L’histoire n’avait jamais de fin et la suite pouvait attendre des semaines. Si la suite nous était racontée, ce n’était plus la même histoire!  En septembre, une journée était consacrée aux patates et donc, pas d’école ! C’était la seule journée où l’on pouvait être dans les patates sans être dans la lune ! Nous ramassions les patates non recueillies par la machinerie. Une quarantaine de petites mains valent mieux qu’une grosse machine ! À la fin de cette journée, nous étions complètement recouverts d’une bonne couche de terre !

Je me souviens également qu’à chaque automne, pour nous protéger de la grippe, les religieuses utilisaient la technique des ventouses : petite cloche de verre donc on avait raréfié l’air pour faire une révulsion.

Au printemps, c’était le grand ménage des dortoirs. Pour ce faire, les matelas étaient balancés à l’extérieur via l’escalier de sauvetage. Une fois en bas, nous les battions avec un balai. Aussi, nous devions cirer les planchers des deux salles. Notre technique de polissage était très originale : nous nous assoyions sur un tapis qui était tiré par un copain ! Ça, c’est joindre l’utile à l’agréable !

J’ai maintenant 75 ans et mes souvenirs du temps de l’orphelinat sont gravés dans ma mémoire à jamais. J’aime revenir à Saint-Damien et m’imprégner de ce bon temps. Chères sœurs, vous m’avez aidé à devenir ce que je suis aujourd’hui. Merci pour votre amour, votre présence et votre tendresse envers les enfants.

André Garon, Québec

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